Lors de son intervention télévisée le 13 mai 2025, le chef de l’État a évoqué la possibilité de réformer le financement de la sécurité sociale en le faisant peser davantage sur la consommation. Cette idée a été reprise par le Premier ministre le 27 mai 2025. De quoi s’agit-il ? Le point en six questions.
1 – Qu’appelle-t-on la TVA sociale ?
L’expression « TVA sociale » désigne une modalité de financement de la protection sociale par une partie du produit de la taxe à la valeur ajoutée (TVA).
Elle peut s’appliquer en baissant les cotisations sociales employeurs (voire salariales) et en compensant le manque à gagner par une hausse de la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Autrement dit, une partie de la TVA est affectée au financement de la protection sociale en contrepartie d’une baisse des cotisations sociales assises sur les seuls salaires. Elle peut aussi consister en une augmentation simple du taux de la TVA pour financer la sécurité sociale.
La TVA contribue déjà au financement de la sécurité sociale à hauteur de 57 milliards d’euros par an environ (57,47 milliards prévus en 2025. Source : Bilan des relations financières entre l’État et la protection sociale, annexe au projet de loi de finances pour 2025).
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, la perte de recettes provoquée par des réductions de cotisations est compensée par l’État par l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction de TVA « pour solde de tout compte ».
2 – Quels sont les effets attendus de la TVA sociale ?
Si les cotisations employeurs sont diminuées et compensées par une hausse de la TVA, l’objectif est de réduire les coûts de production. Plusieurs possibilités s’offrent alors aux entreprises :
- augmenter les salaires. Les salariés peuvent gagner du pouvoir d’achat mais l’effet risque d’être réduit ou annulé par la hausse du coût des produits de consommation induit par le relèvement de la TVA. Les non-salariés, en revanche, sont pénalisés puisqu’ils subissent le relèvement de la TVA sans amélioration de leur revenu ;
- baisser leur prix de vente pour gagner en compétitivité. Grâce à la baisse des coûts de production, le prix à l’exportation des produits fabriqués en France diminue tandis que le prix des produits importés en France augmente comme cela se passe dans le cas d’une dévaluation monétaire. L’amélioration de la compétitivité est censée stimuler les exportations et, par conséquent, la production nationale, puis l’emploi. Pour qu’il y ait un réel gain en compétitivité, les salaires ne doivent pas être augmentés ;
- augmenter leurs marges. Si les entreprises ne répercutent la baisse des cotisations ni sur les salaires, ni sur les prix, et préfèrent augmenter leurs marges, la hausse de la TVA est supportée par l’ensemble des consommateurs avec un risque de baisse de l’activité économique liée à un recul de la consommation.
3 – Que représentent les cotisations sociales ?
Les cotisations sociales constituent la principale ressource de la protection sociale avec 492,6 milliards d’euros en 2022 (54% de l’ensemble des ressources hors transferts). La part élevée des cotisations dans les ressources résulte de la logique assurantielle du système de protection sociale français. Cette part est cependant en déclin depuis les années 1990, notamment avec la création et la montée en puissance de la contribution sociale généralisée (CSG).
En outre, des mesures successives ont été prises pour réduire le « coût du travail ». Concrètement, elles ont consisté en des exonérations ou des réductions des cotisations sociales versées par les employeurs. Selon un rapport du Haut Conseil du financement de la sécurité sociale : « les politiques d’allégement du coût du travail menées depuis plus de 20 ans aboutissent aujourd’hui a une absence quasiment totale de cotisations des employeurs au niveau du SMIC ni sur les régimes de base, ni sur les régimes complémentaires. On peut considérer qu’on est proche d’un point d’aboutissement dans la contribution des prélèvements sociaux à la réduction des coûts du travail à ces niveaux de revenu« .
Cette tendance est confirmé par le rapport Bozio-Wasmer : « La diversité des mesures de réduction du coût du travail au cours des trente dernières années présente tout de même une constante, à savoir une diminution continue des taux de cotisation employeur au niveau du Smic : ces derniers passent de 45% en 1993 à successivement 39% en 1995, 26,6% en 1998, 22,7% en 2005, 16,7% en 2013, 10,7% en 2019 pour aboutir à 6,9% en 2024. Au total cela représente donc une diminution de près de 40 points de cotisations au niveau du Smic sur la période, soit près de 90% du
taux initial en 1995. »
4 – Quelles sont les caractéristiques de la TVA ?
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt indirect, calculé sur le prix de vente hors taxes de tous les biens et services. La TVA est payée par le consommateur final mais versé à l’État par les entreprises.
La TVA est un impôt proportionnel : le taux appliqué est identique pour tous les contribuables quel que soit leur niveau de revenus. En conséquence, la TVA pèse davantage sur le budget des ménages modestes qui consacrent une plus grande part de leurs revenus à la consommation (les ménages aisés consacrent une partie de leurs revenus à l’épargne).
La TVA est le premier impôt français en termes de rendement pour les recettes de l’État (101 milliards d’euros de recettes prévues dans la loi de finances pour 2025).
5 – Quel était le projet de TVA sociale voté puis abrogé en 2012 ?
Prévu pour une entrée en vigueur au 1er octobre 2012, le projet de TVA sociale porté par le gouvernement de François Fillon a finalement été abrogé par la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.
La mesure consistait à diminuer les cotisations sociales patronales affectées au financement de la branche famille et payées par les entreprises du secteur privé et à les remplacer, notamment, par une hausse de 1,6 point du taux normal de la TVA.
Les cotisations patronales de la branche famille devaient être totalement supprimées pour les salaires inférieurs à 2,1 SMIC bruts mensuels. Le taux de ces cotisations devait être progressif pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 SMIC puis inchangé pour les salaires supérieurs à 2,4 SMIC.
Au total, cette baisse de cotisations patronales devait représenter un allègement de charges de 13,2 milliards d’euros en année pleine pour les entreprises. Le taux normal de TVA devait être porté de 19,6% à 21,2%. Une telle hausse de la TVA était considérée comme une « ponction considérable sur le pouvoir d’achat des ménages » par Pierre Moscovici, alors ministre de l’économie et porteur du collectif budgétaire qui a abrogé la mesure.
6 – Quels sont les arguments pour ou contre la TVA sociale ?
Les syndicats de salariés sont globalement opposés à la TVA sociale parce qu’elle finirait par conduire à une hausse des prix (au moins des produits importés). Cette hausse affecterait davantage les ménages défavorisés en raison du caractère injuste de la TVA. La TVA sociale est dénoncée comme un instrument de la politique de l’offre qui consiste à réduire la contribution des entreprises au financement de la protection sociale. Pour la CGT, par exemple, faire reposer le financement de la protection sociale sur un impôt et non pas sur une cotisation reviendrait à mettre en cause le fonctionnement paritaire de la protection sociale.
À l’inverse, les organisations patronales y sont plutôt favorables. Il serait normal de faire reposer une dépense dite « universelle« , lorsqu’elle sert à la protection sociale, sur une recette elle-même universelle comme la TVA.
D’autres pays européens ont d’ailleurs opté pour des taux de prélèvements obligatoires plus bas que ceux appliqués en France, avec, en contrepartie, un taux de TVA en moyenne plus élevé.
Un rapport de 2015 du Conseil des prélèvements obligatoires sur les effets de la TVA présente cette taxe comme peu efficace en tant qu’outil de régulation économique. Le rapport cite l’exemple de l’abaissement du taux de TVA dans le secteur de la restauration, de l’hôtellerie ou du bâtiment qui n’a pas généré les emplois escomptés ni une relance de la consommation à la hauteur des attentes.
Source : Vie publique, publié le 28 mai 2025